Mémoires du Donjon
C’est le titre d’un roman de Romain Gary, le premier livre qu’il m’avait offert « pour la St Valentin ». Et de lui ce fut d’ailleurs la première, et unique fois .. après il était toujours au ski ou « en froid »..
Livre accompagné d’un bouquet de mimosas, et surtout d’une séraphique après midi au Donjon, la plus parfaite et la plus équivoque de toutes je crois. La plus proche d’une déclaration d’amour.
Et pourtant, -je viens à mon propos - trois mois et demi séparaient ce merveilleux jour de notre dernière rencontre la nuit de Halloween, et il se passerait trois mois et demi encore jusqu’à la flamboyante « reconquête » du 3 juin suivant !
Oui, en ce temps là, pourtant le temps où il était le plus amoureux, (plus que moi de lui si je me souviens bien) il n’éprouvait pas le besoin de me voir davantage, toujours quelque dispute ou petit break nous en empêchait, déjà ses tortures mentales sans doute .. ses ambivalences qui m’ont fait tant souffrir.
Si bien qu’en sept mois, on ne s’était vus que .. trois fois ! .. alors que seulement 450 km nous séparaient et qu’il avait plus de temps alors et même si c’était très intense .. Curieux ce fonctionnement quand même, me dis je « a posteriori » ..
Et ces trois mois et demi, jamais par la suite nous ne les avons dépassés, même aux pires moments des deux hivers derniers. Je m’arrangeais toujours pour que cette deadline symbolique n’aie pas lieu. Je calculais au plus juste. J’y mettais un point d’honneur et toute mon énergie, toutes mes stratégies ! et jusqu’alors j’avais toujours réussi à obtenir des retrouvailles en temps et en heure.
Mais cette fois, c’est fini : demain on a passé la frontière du non retour. Le lien sexuel est rompu. Tu peux savourer ta "victoire" ..
Ces 5 rencontres de 2012, suis je la seule à les avoir trouvées de plus en plus puissantes ? inventives ? allant toujours vers du mieux ? Possible, l’amour est aveugle. Ou bien c’était trop pour lui, perturbant, dérangeant, que sais je ? (voir les pages concernées, toutes récentes)
Je le souligne, jamais l’idée m’a effleurée ce jour là que je faisais l’amour pour la dernière fois de ma vie, bien au contraire !
Je citerai Annie Ernaux et son sublime roman « Passion simple » dont je connais par cœur les 75 pages bouleversantes :
« Qu’est ce qui assure que ce n’est pas la dernière fois ? »
J’aurais été folle de le penser ce matin la !! c’était compter sans ta folie à toi et/ou ta perversité.
J’ai du moins la satisfaction que ces 5 rencontres n’aient jamais sombré dans l’ennui, dans l’habitude, bien au contraire, même si le « pourquoi » reste torturant, du moins j’aurais rendu les armes (faute de combattant) avec les honneurs, jusqu’au bout.
Oui ce livre de notre auteur préféré – je reviens à Romain Gary - (j’avais même, ô coïncidence, trouvé un B&B dans sa rue natale lors de mon séjour à Vilnius, tu te souviens ?) a joué un certain rôle dans notre aventure.
Et déjà, cette phrase tu me l’avais lancée par sms, un peu cyniquement, pour m’inciter à prendre l’autoroute la toute première fois ! - maintenant donc, ce livre ne te concerne plus seulement , comme tu l’écris dans ta dédicace, mais me concerne aussi « au premier chef » pour reprendre ton expression désuète . Trois mois et demi.
» Violette et Lui » maintenant c’est fini.
Finie, l’attraction sensuelle réputée irrésistible entre nous, tu l’as fait mentir, de notre donjon tu as rendu les clés pour toujours et j’ai eu la sottise de te le conseiller alors que tu n’y pensais même pas !
Juste par colère devant ta réaction de dingue. Te mettre au pied du mur et j’ai tout perdu maintenant. Oui c’est vrai, je n’ai pas eu le cœur de raconter la fin de notre entrevue, peu importe. C’est fini.
J’ai accumulé les erreurs depuis l’envoi des photos litigieuses et leur effet inattendu, j’aurais du ne pas venir, et ne rien dire pour le donjon - je dois maintenant les payer, alors que c’est toi le vrai coupable et que je t’en veux tellement, oui, pour la première fois je n’ai pas su gérer, trop sure de moi, trop impatiente, trop désireuse surtout que cet automne ne ressemble pas aux deux derniers.
Ah, si on pouvait "faire reset" comme tu disais : revenir à ce matin radieux où tu m'as semblé aussi content que moi, l'instant d'avant l'envoi des photos, tu m'avais dit "c'"était bon, c'était vraiment bon" .. tu m'avais taquinée sur ta maison, que j'étais surement allée la voir etc .. nos derniers échanges légers d'amants qui vont se revoir ...
Si je pouvais remonter le temps, annuler cet instant maudit qui a tout déclanché! cette stupide fanfaronnade de ma part!! (mais tu aimais tant ces photos crues, naguère, elles te "rendaient fou" : hystérie à l'envers ? )
Si je pouvais aussi, éviter de t'avoir suggéré, le 30 aout à 19h07; de rendre le donjon puisque c'était ainsi! (mais sans l'envoi initial des photos, je n'aurais pas eu l'occasion de le faire suis je sotte, rien de ce naufrage n'aurait eu lieu!)
Oui les photos : oubliées, et en septembre si les eaux étaient basses, on aurait fait comme les autres fois : différé prudemment ma venue, - tu me l'as suggéré d'ailleurs, me donnant une dernière chance - et que novembre soit comme tu l'avais voulu : romantique et sensuel, dans la pinède avec moi ... et puis et puis, tu as toujours les clés du donjon, pour quand les jours rallongent .. pour quand le désir et la vie reviennent .. car "j'aimerais toujours ta jupette et tes bas" tout bêtement (mai 2012)
Mais aussi peut etre que tu as tout prévu : me donner des petites choses, des petites assurances, des petits espoirs (tu sais que j’en fais des grands avec) et quand je suis assez en confiance pour que mes défenses tombent, tu me donnes le coup de grâce indéniable, oui tout cela était calculé ou je n’y comprend rien.
J’ai même aimé ta haine. J’aimais tout pourvu que tu sois là, pourvu que tu me prennes, pourvu que tu me parles ..
Maintenant, je ne sais plus qui je suis, je crois que Violette est morte sous les feuilles mortes .. c’est toi qui l’as tuée, son corps se décompose et son ame est perdue.
A ce délai fatidique, tu m'as repoussée dans mon premier monde, le monde sans toi, celui des femmes anonymes qui ne font pas l'amour, qui n'ont personne pour penser à elles, en prendre soin, personne qui "à 200 km de là, sache que quelqu'un pense à toi très fort, bébé", etc etc ..
Souviens toi de son sourire heureux, souviens toi qu’elle t’a le plus aimé .. oui je crois que c’est ça les dernières paroles que je t’ai dites, « c’est moi qui t’ai le plus aimé » ..et tu m’as dit que j’étais belle, toi. Alors ?
Mais tu es parti sans te retourner, tu as disparu dans la nuit.
FIN
*Passion simple – d’Annie Ernaux. (Folio Poche) - 75 pages d’une incroyable justesse., alors qu'il m'en faut 750 pour exprimer la meme chose! (la dépendance amoureuse).
« Je me demandais souvent ce que signifiaient pour lui ces après midi à faire l’amour.
De toutes façons, il était inutile de chercher des raisons supplémentaires, je ne serai jamais sure que d’une chose : son désir, ou son absence de désir.
La seule vérité incontestable était visible en regardant son sexe. »
.. « tout était manque sans fin, sauf le moment où nous étions ensemble à faire l’amour. Et encore, j’avais la hantise du moment qui suivrait, où il serait reparti. Je vivais le plaisir comme une future douleur ».
.. « sans cesse le désir de rompre, pour ne plus être à la merci d’un message, ne plus souffrir, et aussitôt la représentation de ce que cela supposait à la minute même de la rupture : une suite de jours sans rien attendre. Je préférais continuer à n’importe quel prix.
.. «Je calculais combien de fois nous avions fait l’amour. J’avais l’impression que, à chaque fois, quelque chose de plus s’était ajouté à notre relation, mais que c’était cette même accumulation de gestes et de plaisirs qui allait sûrement nous éloigner l’un de l’autre. On épuisait un capital de désir ».