Mémoires du Donjon
'Est ce que l'amour fait mal" ? demande la Sirène du Mississipi à sa victime dans le beau film de François Truffaud.
"un mal dont on jouit, un bien dont on souffre" lui répond le poète portugais Manuel de Melo.
Trop accepter, trop pardonner, il va falloir que ça bouge .. mais c'est comme si les liens imposés à mes membres parfois, restaient ancrés dans mon coeur et dans mon esprit, les lestant de plomb, quoi qu'il se passe et quoique je fasse.
Une enclave printanière nous a été donnée en cette fin du mois d'avril, et nous y fumes livrés à nous mêmes, seuls avec nos faiblesses et nos démons, peut etre notre amour. C'est plus difficile quand on fait attention l'un à l'autre, la peur de se blesser, de crier les vérités éphémères, ne rien casser, pas encore ..
Il n'avait rien préparé pour moi, saisi l'avant veille de mon arrivée d'un de ces accès dépressifs que j'ai appris à connaitre, et je le soupçonne de les provoquer lorsque ça l'arrange, ou pour me faire peur, car il use alors d'un double langage effrayant, illisible : tendresse et passion, retour aux gestes érotiques, évocations mélancoliques, réactions surprenantes et rendez vous inattendus, propices aux confidences ..
Il y eu tout cela dans ce séjour étrange, qui distille l'angoisse mais n'insulte pas l'avenir. Le grand déprimé m'a fait l'amour tout un après midi, après m'avoir emmené au donjon la veille, et nous avons bu avec son "vin de citron" cet inquiétant coktail de promesses et de menaces en suspens.
Heureusement pour moi, j'aime la vie, la nature, et je ne me suis pas privée, pendant ses heures de travail, d'arpenter les sentiers littoraux, les villages médiévaux et les petits ports cachés de la presqu'ile de Giens.
Saoulée de soleil et d'air marin, j'ai réussi à mettre de coté mes inquiétudes, et le jour de mon départ, après une délicieuse fin de matinée en sa compagnie convalescente, sur la terrasse d'un café face à la plage, je m'attarde à T., m'achète de jolies sandales et dévore un aioli dans une brasserie du port.
Rapportées de ce séjour printanier, tout de même quelques photos, et une vidéo prises au donjon, le premier jour de mon arrivée. Ce donjon qu'il rejette parfois mais refuse résolument de quitter .. Ce donjon où je me donne complètement ..
la prochaine fois, il veut me partager, jouer avec d'autres, rendez vous avait été pris mais il n'a rien fait pour confirmer les choses .. découragement ? plus envie ? ce qui me fait bien flipper, c'est que le voir est maintenant suspendu à ces projets ambivalents.
par fierté, je préfère différer notre prochaine rencontre. Attiser le désir, ne pas être un pis aller .. comment formuler ce ressenti qui à la fois me fait souffrir et me remplit d'ambition ?