Mémoires du Donjon

Nuit d’insomnie, j’ai pu dormir je crois de 2 à 4 heures, sinon, hébétude, mal au ventre, ressassement sans fin de comment ça se peut, comment en est il arrivé la, mon bel amour si tendre et passionné  qui m’a joué ce sale tour, et hier m’a offert cette affreuse caricature de notre « balade au Mont F. », (en fait, deux, au doux soleil d’automne, en octobre et décembre derniers)

Déjà, il se connecte bien tard et m’annonce qu’il vient me chercher à 14h, puis comme chaque fois depuis mon arrivée, il m’avertit qu’il aura  un quart d’heure de retard. Plus aussi empressé.

Et quand il m’écrit  « je suis en bas », je ne lis même  pas la suite où il me demande de mettre des sandales de marche, tellement cette phrase laconique  » je suis en bas » est habituelle.

 

On se dirige vers le donjon mais non, ne rêvons pas, il le dépasse et prend la direction du mont F.  C’est tout ce qu’il a trouvé ? Ce pélerinage vers notre paradis perdu, est ce une bonne idée ? Mais on devise, il me demande ce que ‘j’ai fait de mon week end, et je m’ exécute de bonne grâce, surtout que c’est vrai, j’ai bien profité de ces deux  jours  de beau temps, en faisant des passionnantes excursions qui me changèrent un peu les idées dans la  douceur trompeuse de ce mois de septembre, notre premier ensemble. Etrangement, c'est il y a trois ans tout juste, le 13, que j'avais répondu à son annonce un peu déjantée.

 

Je  porte une robe qu’il n’a jamais vue , une petite robe noire en coton, juste sexy mais sans trop, et mes sandales légères, un bracelet bleu et sa bague bien sur, et le fin fond de mon parfum, Aromatic Elixir. Je me demande déja si j'en changerai, ou pas .. c'est dire mon état d''esprit, déjà condamnée je suis ..

 

Au lieu de prendre la route habituelle, il oblique sur une impasse – déjà tout un symbole -qui monte très raide parmi les villas fleuries, et je commence à m’inquiéter quand il s’arrête au bout de l’impasse et me fait descendre sur ce plateau encaissé.

Devant nous, un chemin caillouteux et explosé de soleil, en pente légère, et je comprends qu’il veut m’emmener là, dix minutes de marche tout au plus me prévient il, il a repéré le coin en venant randonner … avec sa femme la semaine dernière !!

S’il cherche un endroit agréable pour faire l’amour comme il me l’avait laissé entendre, il se trompe !

Mais je crois que plus ou moins consciemment , il a choisi le pire endroit, au lieu de me faire plaisir en retrouvant « notre » café, « notre » pinède ..  Il savait que nous ne risquions pas d’etre inspirés. Il veut rompre, pas faire l'amour. Il  n'emporte d'ailleurs qu'une bouteille d'eau, pas de plaid.

 

Déjà le souvenir tout récent de sa femme, et surtout, le coté sinistre du lieu : des tas de cailloux, quelques maigres pins dévalant le long des ravins,  ici la brise ne se ressent pas et le soleil tape, alors que le ciel commence à se voiler. Et pas un chant d’oiseau.

 

Plein de sollicitude, le salaud me prend la main, s’inquiète de ma fatigue, je fais un peu la tête, je n’ose pas trop, peut être au bout y a til quelque pinède ombragée et plus fraîche ? avec une belle vue sur la rade ?

On croise des forestiers, ce qui le perturbe beaucoup, il croyait l’endroit désert .. Un prétexte dont il se servira ensuite.

On poursuit ce calvaire quelques minutes encore, j'ai l'impression d 'etre un otage qu'on va exécuter sommairement dans un endroit retiré.

il va jusqu’à me dire que je marche bien dans mes petites sandales, et nous arrivons devant une étroite gorge qui prend sur le sentier,le lit d’une rivière asséchée.

Il doit m’aider pour franchir les pierres et on finit par en trouver une assez large pour qu’on puisse s’y asseoir ensemble, et tout autour, rien que de très maigres troncs au feuillage rare et d’énormes rochers blancs, des cailloux pointus et à peine une fourmi comme signe de vie.

Sur la route, je lui avais fait remarqué cet étrange silence : pas un chant d’oiseaux, pas une cigale .. On se croirait dans un paysage lunaire, mort, maudit ..

C’était le même silence à Birkenau, sous les peupliers verts de l’été 2006, au fond du camp .. 

 

 C’est oppressant, je me sens mal à l’aise .. il me dit qu’avec sa femme il n’avait pas remarqué cet absence de bruits de la nature, il me dit que j’observe bien.

Toujours cette urbanité détestable alors que j’attends une seule chose, qu’il retrousse ma robe ou m’offre enfin sa queue !

Il se contente de me demander d’une voix trop précautionneuse   si j’ai une culotte ! je réponds que oui bien sur - « vu le contexte » et qu’elle est en dentelle noire (dérisoire tentative pour l'émoustiller) .

Il passe un doigt prudent dessus, perçoit mon petit recul (oui quand même, toujours le contexte) et ne va pas dessous comme il faudrait normalement s’y attendre, avec lui !

Mais je reste passive, je ne suis plus la vicieuse ni la salope qu’il aimait, je me sens déjà larguée, je n’ai pas l’énergie de me battre sexuellement comme j’ai pu le faire à l’hotel Ibis, (voir l’article « la Reconquête ») peut être à cause du cadre qui me plombe, d’ailleurs le ciel devient  blanc, laiteux, implacable, j’ai peur d’être laide en plein jour, avec ce nouveau visage que je dois avoir déjà,  j’évite de le regarder, et je pose mes yeux sur mes cuisses à moitié dénudées, qui pour la première fois le laissent de marbre.

Il parle dans ce grand silence, cherchant et choisissant ses mots, et chaque mot me fait mal, signe un peu plus ma défaite, alors qu’à l’Ibis comme je l’avais écrit « chaque geste confirme ma victoire, me rend inoubliable » .. Il s’était jeté sur moi comme mercredi dernier, avec bien plus de fougue et de sincérité - et son relatif silence des jours d’après n’était que les prémices de l’amour déclaré.

 

 

Rien ne se passera, décidément, alors je me lève, découragée et nous reprenons tristement, main dans la main ou enlacés, le chemin du retour, qui me semble meilleur, car il descend.

Un moment, on reste immobiles, l’un contre l’autre mais pas trop (je ne veux pas savoir qu’il ne bande pas ou si peu) silencieux et pleins de larmes.

On s'étreint avec incrédulité, le temps est suspendu .. Mais bientot tu vas regarder ta montre ..

D’autres randonneurs nous dépassent, venant du grand chemin, et là il a une attitude qui me cloue: il va se cacher en contrebas, accroupi et de dos, au cas où ces gens le connaîtraient !

Mais je n’en suis plus  à le juger, je n’ai pas le temps, il est bientôt l’heure de se quitter car il ne me fera pas de cadeau ! Il doit faire réviser son anglais à son fils cadet et travailler ses mystérieux dossiers.

 

Jusqu’au bout de cet éprouvant et triste après midi, il restera calme et déterminé, attentif à désamorcer toute ébauche de conflit, que je suis bien peu capable de commencer, car son absence de réaction me décourage, je lui dit seulement que je déteste sa tartufferie et que je préfèrerais des mots blessants, qui me permettraient de réagit !

 

Fiasco total donc, jusqu’au bout du bout, comme sur la route on reste encore l’un contre l’autre près de la voiture, puis dedans, à pleurer ensemble entre deux évocations torturantes (oui, sa survenue à la gare en octobre, au moment de mon départ pour Lyon,  c’était un geste d’amour désintéressé, oui, depuis juin 2009 c’était reparti en .. j’ai oublié l’expression employée,  -« sur les chapeaux de roue ? » « en trombe ? » - mais ça voulait dire que c’était de la passion quoi, et toute l’année ensuite, jusqu’à fin juillet il y a si peu de temps, si peu  .. Oh, quelle cruelle absurdité ! Pourquoi mais pourquoi, et que faire ? Pour une fois, je suis à court d’idées, impuissante, et c’est atroce.

Il a même nié la gravité des autres tentatives de rupture,  mais non, je voulais juste tirer le rideau, j’étais fatigué ..

Comme s’il voulait souligner la réalité du sinistre scénario qu’il nous fait vivre, là  maintenant.

Il m’a rappelé ce qu'il m'avait dit plusieurs fois : que le jour funeste où il faudrait que cela finisse,  il serait sincère, et il l’est, là maintenant bien sur !

Il ne veut plus de moi, ni de notre avenir, il n’a plus envie  «d’ ajouter des chapitres à l’histoire » comme il disait si joliment (quand ? il faut que je regarde)

Lui, il  est au bout du chemin, « .. et on a fait un long chemin ensemble ?» dit il encore entre deux évocations de notre parenthèse enchantée, comme si ça pouvait me consoler !

« oui, je sais, j’étais ton soleil, ma ville,  une annexe de ta vie, et tu étais radieuse «  c’est ça, enfonce encore plus le couteau dans la plaie ! ..

Il me fait des compliments, j’ai envie de dire encore, alors garde moi !

Il me dit que j’aimerai encore, que je dois rencontrer quelqu’un d’autre, je le fais taire d’un geste outragé, il n’insiste pas, bat en retraite. Refuse ce conflit qui me libérerait.

J’essaie misérablement de plaider ma cause, avec cette voix tremblée, étranglée de sanglots, je lui dis que je n’y arriverai pas, que je veux le garder, il me l’avait bien dit tant de fois, lui « je n’ai pas envie de te perdre », telle était son expression .. ou encore « c’est trop tôt, je te garde »  alors moi j’ai bien le droit de faire de même ? Pourquoi la décision serait elle unilatérale ? Pourquoi l’amour fait si mal un jour ou l’autre ?

 

Rien a faire, je n’obtiens rien ! aucun sursis, aucune hésitation, il ne me répond que par un silence éloquent et gêné.

 

Il démarre dès qu’il me sent a peu près prête, je voudrais que ce voyage ne s’arrête jamais, mais  il ne posera pas la main sur mes cuisses bronzées en remontant plus haut, comme les autres fois pourtant, le summum ayant été notre premier voyage au donjon, il était comme fou à cause des menottes qu’il m’avait mises aux chevilles et aux poignets, dans le parking souterrain ! Il avait été incapable d’attendre d’être au donjon, pour m’enchaîner ! Il regardait mes jambes et leur scintillant équipempent  au lieu de regarder la route ! (cf « les Lauriers Rose »)

 

Et pourtant, comme il voit ma détresse, et que  je suis en larmes, il me rappelle sa promesse : qu’il est à ma disposition jusqu’en mars, qu’on ne perd pas le contact, qu’il ne m’enlève pas son MSN, et comme une pauvresse j’entrevois déjà quelque ouverture, mais c’est une question de survie, et il doit me dire ça pour que j’arrive tout à l’heure, à descendre de sa voiture, sa voiture qui était un peu la mienne, aussi .. que j’avais souvent prise en photo, comme un trophée! -justement sur cette montagne magique, l’année dernière.

 

J’aurais préféré qu’il me dise ; je ne t’ai jamais aimée, c’était pour de faux, pour obtenir de toi ce que je voulais, et maintenant que c’est fait, tu ne m’intéresse plus.

J’aurais préféré qu’il soit amoureux d’une autre, que j’aie au moins une ennemie à haïr, plutôt que moi même.

 

Le paysage de banlieue chic et fleurie cède le pas à la zone industrielle, je comprends que c’est maintenant la fin du voyage, une angoisse terrible me terrasse, m’interdit toute réaction. Que faire contre sa détermination ? pas grand chose de plus que lorsqu’il voulait de moi ces choses impensables dont je ne peux parler à personne !

 

Je lui demande de s’arrêter un peu avant l’hôtel, il le fait dans cette affreuse impasse (et non ce n’était pas une impasse car sa voiture ne reviendra pas sur ses pas il se défilera prestement sans me repasser devant).

 

100 6932Tu n’éteins même pas ton moteur. Encore quelques mots inutiles puisque tout est dit, dix secondes de gagnées sur l’arrachement, j’ai peur que tu t’impatientes et me rejette carrément .. encore un enlacement les yeux dans les yeux, puis dans le cou l’un de l’autre, ses larmes de crocodile, « je suis déchiré – alors garde moi ? «  ai je dit ou juste pensé ces derniers mots ? En tout cas il n’a pas répondu, là non plus en cet ultime instant.

                       

Ce bruit insistant du moteur me décide, je te regarde une dernière fois, avec un désespoir muet autant qu'intense, je le sens dans mes tripes que c’est la dernière fois, je n’ai jamais vécu ça.

 

 « Je saute ? – Oui » me réponds tu avec une affreuse douceur.

 

Alors je soulève mon gros cul, ce cul qui l’excitait tant, et le laisse maintenant de marbre, et  je sors de sa voiture, comment peut il me laisser partir, moi sa chérie, son ange, son cœur, sa pute, sa .. seconde femme ? et qui porte à mon doigt son alliance toute neuve ?

 Mais comment est il fait ? De quel bois mort ?

Je pars, sans me retourner, parce que je me sens abandonnée comme un chien sur la route des vacances. Même plus sa chienne ..

Je crois qu’il va devoir faire demi tour, et l’avoir encore une seconde dans mon champ de vision, grimaçant un faux sourire ..

Mais la petite voiture noire si familière a disparu  ..

Plus tard, il me dira, « j’ai du arrêter la voiture un peu plus loin pour pleurer un bon coup » ..

 

 

 

Une semaine demain qu'on ne s'est vus .. je n'ai pas lavé le plaid qui était jeté sur notre lit pendant cette dernière après midi d'amour ..  je le garde près de moi chaque nuit, c'est un peu mon doudou, j'y cherche les effluves qu'on y  a laissé ..j'y cherche ta chaleur et la forme et l'odeur de ton corps, celui qui "m'appartient" comme tu dis, jusqu'au 1er mars, mais  ..

 

 

 

 

 

Un poème que tu m'avais envoyé il y a plus d'un an, pendant le break "pas grave" : 

  

Une histoire incroyablement forte mais on ne s'en aperçoit qu'après coup. C'est le seul poème que je connaisse par coeur, je te le dédis..

Dans le brouillard s'en vont
un paysan cagneux et son boeuf lentement dans le brouillard d'automne
qui cachent des hameaux pauvres et vergogneux.

Et s'en allant là-bas, le paysan chantonne
une chanson d'amour   et d'infidélité

qui parle d'une bague et d'un coeur que l'on brise

Oh l'automne l'automne a fait mourir l'été!
Dans le brouillard s'en vont deux silhouettes grises..

Guillaume Appolinaire

Jeu 16 sep 2010 Aucun commentaire