Après tous ces récits où la dépravation se mêle à la sensualité, j’ai envie d’évoquer avec tendresse et nostalgie deux moments presque identiques, passés à peu de semaines d’intervalle, des moments simples que tu m’avais offerts comme un cadeau : deux sorties avec toi, au grand jour, sur une montagne escarpée qui domine ta ville et au dela, l’horizon bleu de la Méditerranée. Je voudrais me souvenir des moindres détails, reconstituer pas à pas nos promenades, revivre très précisément ces instants précieux. Il est curieux que je ne les ai pas racontés dans mon petit carnet de voyage, à l’époque.
J’ai eu du mal à croire qu’il tiendrait cette promesse, si soucieux du qu’en dira t on, et pourtant ..
Au lendemain de cette folle soirée de « suspension » achevée au donjon par une scène de mélangisme effrénée, il m’avait proposé de m’emmener sur le Mont Faron, juste avant mon train, en cette chaude journée d ‘octobre qui s’annonçait.
.. Je ne devais passer qu’une courte nuit à T. j’avais pris un petit hôtel près de la gare, décoré de façon très originale, chacun de ses étages représentant un des cinq continents .. J’avais hérité de l’Amérique, avec des murs rouges, des lampes de métal noir, un grand poster de NY et un superbe écran plat, qui ce soir là ne fonctionnait pas, à cause d ‘une panne de câble.
La nuit avait été courte, j’étais tellement énervée par cette étrange séance que j’avais retardé l’heure de me coucher pour me photographier avec ma jolie guêpière et mon air coquin .. Et pourtant il était plus que tard ..
Ce que j’avais remarqué, au delà du folklore donjonesque : qu’il me fasse l’amour si tendrement, si fougueusement, un peu à part sur la méridienne, et surtout, ensuite, il était resté un long moment contre moi, silencieux, comme s’il s’endormait et me tenant la main.. il ne l’a plus jamais fait par la suite et ne l’avait jamais fait avant ..
Donc le lendemain, j’étais souriante mais stressé par tant d’émotions, mon cœur tapait fort sans que je parvienne à le calmer, alors que je me baladais dans la ville, trois cafés dans l’estomac, j’étais anxieuse aussi de cette première sortie « normale », et en l’attendant, je n’avais pas de refuge, car je venais de rendre la chambre ..
Comment étais je habillée ? oui, une petite robe de lainage noir à manches courtes, des bottes souples, et ma grande besace rouge. Ma veste en cuir sur la besace, car il commençait à faire chaud en ce 28 octobre rayonnant.
Hier encore j’étais chez moi, tout à l’heure j’y retournerai, la vie allait si vite ! Il s’était passé tant de choses et il s’en passerait encore en si peu de temps ! La vie avec toi, comme elle me manque maintenant ..
Ah oui, c’est cette première fois là qu’il a eu un sérieux contretemps, sa femme faisait des courses au centre ville et lui avait proposé de manger avec lui !!
Echanges fiévreux de textos, supplications de le croire, et moi déconfite, assise sur les marches de l’Opéra, le cœur toujours battant la chamade, obligée d’attendre que madame se décide à le libérer ..
Et enfin, piquante complicité . .. « La voie est libre ! Viens, je t’emmène ! »
Viens, je t’emmène, mots si précieux, tendrement autoritaires, si prometteurs, mots que je voudrais entendre encore et encore ..
Je l’attends avant le tunnel de la porte d’Italie, il me cueille au passage dans sa petite Polo noire où gît toujours le même plan de ville datant de 1992 ! cette voiture pour une fois ne m’emmènera pas au donjon, ni ne me raccompagnera à la gare, elle va prendre de la hauteur et rapidement s’élever au dessus de la ville par une route en lacets, bordée de belles villas débordant de bougainvilliers en fleurs.
Pour une fois, il n’a pas son éternelle chemise blanche, mais une plus rustique, à carreaux gris et bleus, c’est vrai quoi, on part en vacances !
La route est maintenant en sens unique et j’admire les échappées sur le port, nimbé d’une brume lumineuse.
Je ne sais plus de quoi on parle, pas forcément de la soirée de la veille, non, mais de l’histoire du Mont Faron, ou bien des fleurs, de temps en temps tu me regardes un peu timidement et pose ta main sur ma cuisse. Comme par miracle, les battements désordonnés de mon cœur se sont calmés et je commence à me sentir très bien ..
Il s’arrête devant un premier point de vue, un peu avant le sommet. Une promontoire formé de grosses pierres blanches qu’il faut escalader pour arriver au bord et contempler le panorama, qui est impressionnant : en contrebas des éboulis d’où émergent des pins, puis les toits de la ville : on reconnaît la gare, la mairie, le stade, le vieux quartier, puis les bateaux du port militaire, tiens le Charles de Gaulle n’est pas là ? et les énormes ferries en partance vers la Corse.
Et puis la mer, scintillante à travers la brume automnale .. Dieu que c’est beau, il me semble que notre amour a pris également de la hauteur, je ressens une forme d’ivresse en le suivant parmi les pierres, il y a un peu de monde, je l’arrête un moment pour prendre des photos, il faut absolument que je garde un souvenir de ce moment là ! .. Je photographie le panorama bien sur, mais aussi lui, et puis lui me prends en photo à son tour, des photos innocentes, si différentes des autres, souvenir d’un jour heureux ..
On remonte en voiture pour s’arrêter cette fois au sommet du Mont, près du musée de la Résistance, sous une pinède ..
Emportée par mon élan, je photographie aussi lui dans sa voiture, puis la voiture elle même, folle collectionneuse du moindre détail (cette voiture là dont je devrai descendre 10 mois plus tard, à tout jamais, comme un chien qu’on abandonne et j’étais alors bien loin de m’en douter !)
Mais en ce jour, je suis ta princesse, l’amoureuse triomphante, heureuse et curieuse comme une enfant, tu me désignes les autres montagnes alentours, m’explique un peu comment c’était passé le débarquement en 1944, je bois tes paroles, tout cela est si nouveau pour moi !
Ensuite nous gagnons un grand café restaurant, le Panoramique, juste à coté du téléphérique, un endroit perché au bord de la montagne, entièrement vitré et pourvu d’ une petite terrasse en biseau, d’où la vue est bien sur à couper le souffle.
Le café est désert, à part le patron et ses chiens petits et gros, et un seul autre couple à l’autre bout de la terrasse où nous nous installons, en plein soleil et en tête à tête ..
Tu me connais maintenant, sous toutes les coutures, on se dévore des yeux en souriant alors que le patron nous amène deux cafés dans des tasses jaunes ..
Je prends des photos de toi, je ne veux pas que tu en prennes de moi, trop peur de me trouver laide en pleine lumière ! Je préfère garder l’illusion de l’illumination intérieure !
On bavarde encore, mais la seule chose dont je me souvienne, c’est ce que tu m’as dit abruptement, en me regardant dans les yeux « J’espère, j’espère que maintenant, .. tu me croies .. « tu n’achèves pas ta phrase, il me semble, mais j’ai bien compris à ton regard enamouré ce que tu voulais me dire, et je l’accepte bien sur .. Moment de grâce, pur bonheur, l’avenir serait il radieux ? Aussi radieux que cet étonnant soleil d’automne ?
Il faut redescendre, j’ai mon train dans une heure et doit repasser prendre à l’hôtel ma fameuse petite valise rouge, celle d’un ou deux jours ..
En route, il ralentit parfois, en quête d’un endroit où nous pourrions revenir bientôt, pour faire l’amour en pleine nature, un innocent fantasme qu’il n’a jamais réalisé vraiment ..Le ferons nous ? bien sur que oui ..
Une ou deux fois je lui demande de s ‘arrêter pour prendre encore des photos, destinées à mon site de voyages .. déjà le soleil décline, la lumière rougoie et enflamme la tête des pins, mes cheveux .. dans moins d’une heure je serai en route vers le nord, mais je ne suis pas triste, j’ai confiance, dans quelques jours je pars à Venise – sans toi, mais avec toi .. – et ensuite on se revoit très vite !
Oui, pour une fois je serai presque en retard à la gare ! tu as la gentillesse de m’attendre devant l’hôtel pendant que je récupère ma valise et de me déposer deux cents mètres plus loin à la dépose minute !
La séparation hâtive, et son rituel « on se reverra », à moins que ce ne fut « il y aura une prochaine fois », ces mots magiques qui ont seuls le don de m’apaiser, de me donner le courage de t’embrasser et de partir, ces mots que tu .. que tu ne me diras sans doute jamais plus ..
Et dans le TER je reçois ton texto : » Merci, c’était génial, génial génial et tu as été vraiment formidable ! »
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