Mardi 22 décembre 2 22 /12 /Déc 23:15

 


"Ce que femme veut, Dieu le veut"
"Celui qui ne lance pas les dés ne fera jamais un double six"

 
 
Les jours suivants, alors qu’il est à Barcelone et moi à 1800 mètres d ‘altitude je les passe dans une sorte d’hébétude fataliste, j’ai « gagné » mais je doute d’avoir eu raison de pousser ainsi les évènements, suis je assez forte pour encaisser la suite ?
Randonnées en montagne, service des pèlerins, joyeux échanges avec les autres bénévoles, tu me sembles appartenir à un autre monde, je suis à deux doigts de renoncer, car le bon sens me rattrape, mais pourtant elle est dans mon coffre de voiture, ma petite valise rouge qui ne connaît que ce chemin vers toi  ..

Difficile chemin, le matin de mon départ, vers 9h,  il aurait du ouvrir son portable secret, il ne le fait pas, malgré sa promesse,  et .. je n’avais pas prévu ça.
Panique à bord, dois je aller vers le sud, ou vers le nord ? vers Gap, ou vers Grenoble ? Il a donc changé d’avis et il n’a trouvé que ce lâche moyen pour me le faire comprendre ?
Les  heures passent, j’envoie texto sur texto, inutilement .. à 13h je me décide la mort dans l’âme à prendre la route de chez moi, en m’arrêtant à chaque parking pour vérifier mon portable. Deux heures pour faire 30 kilomètres, larmes de défaite et de chagrin. Jamais encore il ne m’avait fait ça. C’est donc vrai que c’est fini.
Rentrer, retrouver ma vie d’avant, bien sage, chercher d’autres motivations .. Pas envie, fatigue .. nostalgie ..

Puis à 15h Bzzz Bzzzz, c’est lui, qui fait semblant on dirait de me croire déjà arrivée à T. ! Il n’a pas pu ouvrir son portable ce matin, à cause de l’audit, tout juste s’il ne me reproche pas de n’avoir « pas eu assez confiance en lui pour venir » (tu parles, la confiance, elle est  bel et bien partie depuis deux mois !) et « pas suffisamment envie de le voir » ..  Là je ne sais plus quoi faire, à la croisée des chemins, on s’ embourbe dans des explications inutiles alors que ma batterie faiblit de minutes en minutes et que l’heure tourne, et que, si je vais à lui, 50 km supplémentaires s’ajouteront aux 280 prévus.

Alors, impulsivement,  en deux secondes, je fais demi tour, car j’entrevois d'ici  l’état où je me trouverai une fois rentrée chez moi, mes regrets, le dégoût de ma lâcheté  .. ne pas lui faire ce cadeau : tu m’as voulue, tu m'auras ! Il fallait refuser, ou même rester silencieux!

Mais impossible de lui dire car la batterie rend l’âme à peine j’ai démarré en sens inverse. Ce n’est pas grave, il le saura ce soir, quand j’aurai rechargé le portable à l’hôtel, normalement il sera là, il reste  tard au bureau.


Je fonce, je  colle les camions, il faut faire tout le tour de Gap avant de trouver la belle autoroute A51 qui rejoint le Sud, via la Haute Provence, dans un paysage ensoleillé et sous un ciel limpide, limpide comme ma détermination regonflée de certitude. Et le point de non retour est atteint, je dois continuer ..

Mon premier geste en arrivant à l’hôtel est de brancher la batterie de mon portable. La boucle est bouclée, c’est aussi dans un hôtel Ibis que tout avait commencé entre nous, mais  à l’autre bout de la ville.  Je reconnais avec émotion le mobilier plaqué hêtre, la couleur un peu vomitive de la moquette, le lit king size,  la grande salle de bains, l’odeur entêtante de leur surodorant ..
Angoisse à nouveau,  car il ne répond pas à mon sms d’arrivée! Et je trouve deux messages de lui, un peu désenchantés tout de même, mais pas, hélas, désespérés : il me croit vraiment retournée  à  Lyon. Je comprends qu’il est donc rentré chez lui, un peu dépité tout de même ?

Je tire le rideau, résignée, peut être demain, ce sera pareil, le mur de silence à nouveau, en dépit de tous les kilomètres parcourus, de l’énergie inutile arrachée à mon mal de vivre .. Au point où j'en suis, je m'en réjouis sombrement, je ne pourrai pas tomber plus bas!

Le lendemain, une belle journée s’annonce et me rend un peu d’optimisme. Mais le petit déjeuner somptueux sur la terrasse de l’hôtel n’a rien à voir avec celui de ma renaissance, l’année dernière, inquiète et triste je suis, submergée de bonheur, j’étais ..

Le portable ne répond toujours pas. L’hôtel n’a pas de connexion internet publique ! je décide alors d’aller au centre ville, en quête d’un cybercafé. S’il n’a pas ouvert le portable, peut être a t-il ouvert sa messagerie msn ?  Je n'ai pas trop le choix en fait.
 Je retrouve la ville du Sud  telle que j’ai apprise à l’aimer, en toutes saisons, il est impossible qu’il ne réponde pas .. , m'abandonne si lâchement .. et en effet, à peine ai je terminé mon message sur ce clavier inconnu, que le portable enfin bourdonne  et qu ‘arrive son premier texto qui commence par un hypocrite  «Incroyable ! »
D'autres suivent, tous aussi incrédules, dubitatifs, il me conjure de me dire la vérité, suis je bien là ou le lui fais je croire ?

D’ailleurs, il ne me croira qu’une fois devant moi, au point qu’il n’a pas apporté la bouteille de champagne promise ! (tu aurais pu quand même, et  la mettre au frais avant!)

Sans perdre de temps, pour en avoir le coeur net  ? il me donne rendez vous pour dans deux heures à mon hôtel, son deuxième « grand oral » s’est bien passé et il va se libérer.

Il m’avait écrit la semaine dernière, cavalièrement et un peu gêné :  « euh, il n’est pas exclu qu’on fasse l’amour » ..
Je sens que l’option est retenue. Cela ne me fait pas peur. Qui sera le chat et qui sera la souris ?

Je rentre à l’hôtel sans me presser, ayant pris des photos de la ville, acheté des abricots au marché Lafayette, je me sens sereine et détendue .. 

Cette photo sur la place Raimu c’est une gentille passante qui me l’a prise, me voyant me contorsionner pour faire de même !


Je mets pour la première fois une petite robe d’été achetée dès le mois de mars pour la belle saison de chez lui. J’ai beaucoup minci, elle me va bien et ne boudine plus ; malgré moi, j’ai tenu l’objectif de poids, facile quand on perd l’appétit !..


Sms : je suis  la dans 15 minutes-  jeu du loup y es tu à nouveau ! J’aime.
Sms : je suis  là.  Descends.


Je vais à sa rencontre, ne le trouve pas car il n’est pas entré dans le parking privé. Je remonte téléphoner,  j'ai laissé mon portable en haut, jusqu’au bout, la difficulté de se retrouver ! ..


Et pourtant, enfin tu es la, garé à l'extérieur, en plein soleil, comme si je t’avais quitté la veille, même jean noir et chemise blanche, je suis là, dans tes bras, au terme de plus de trois longs mois, on entre dans le  hall et  on hésite devant le bar désert où l’on serait trop observés et ce n’est l’heure que du café ..  Mon intuition me parle en secret, je sais ce que tu attends, ce que tu attends vraiment, alors tout simplement,  je t’entraine  vers l’ascenseur.

Pendant la brève montée  tu me caresses les hanches, les épaules, avec ces gestes doux et enveloppants qui m’emprisonnent  dans un piège  inéluctable. Pourquoi rompre le charme ?

Tout s’est décidé à  ce moment là. Ma reconquête, ma victoire, ton abdication.

Sans un mot et toujours enlacés nous entrons dans la chambre.
Avec le plus grand naturel et malgré l’incongruité de la situation, on n’attend pas une minute de plus pour se dépouiller de nos vêtements et se mettre au grand œuvre.

On fera l’amour comme jamais, délivrés des mises en scène, des photos, des jeux de liens, chaines et menottes .. c’était bien aussi ça,  mais ces heures d’amour, c’était tout ce dont j’avais besoin, toi aussi sans doute, acharnés à la tâche on est, tendres et animaux, sans fausse pudeur, sans recherche autre que l’ancestrale fusion des corps ..


On se dévore et se caresse, tu me baises avec obstination, je te reçois comme un sacrement, les gestes s’enchaînent sans retenue, frénétiques, on se donne même le droit de s’arrêter un peu sans que nos corps se séparent et échanger quelques mots à voix basse, quelques informations chaotiques et parcellaires qui ne m’apprennent rien de plus sur « l’après » ni sur le « pourquoi »  mais qu’importe, aujourd’hui je te découvre réellement,  sans artifices ni distance, nous mélangeons nos sueurs et ta peau claque sur la mienne, des gouttes tièdes tombent de ton front sur mon visage,  je te saisis les mains, tu m’embrasses dans le cou, j’ai l’impression de faire l’amour avec toi vraiment,  pour la première fois, mais qu’est ce que ça veut dire ?  C ‘est fou.
Tu as trouvé le moyen diaboliquement simple de faire taire mes angoisses, ma honte d’être venue telle une bourgeoise de Calais pieds nus et la corde au cou, tu me prouves avec simplicité que oui, tu as toujours envie de moi, et dans l’instant, je m’en contente, femelle trop vite consentante, secrètement triomphante dans son indignité ..
Les heures passent, chaque minute compte dans le temps si bref qui nous est imparti, quelques heures,  ce n’est que la 11e fois que l’on se voit, chaque seconde et chaque geste ancrent ta peau dans la mienne, me rend inoubliable. 

Je ne peux m’empêcher de te faire remarquer malicieusement  ô combien tu as l’air fatigué ..

Il n’y aura pas d’aveu pourtant, pas de craquage de ta part, et le doute essaie de s’installer à travers cette marée de luxure partagée, je suggère en riant que c’est un break dans le break ?
Tu  me laisses entendre qu’on se verra cet été ?  Mais c’est très bientôt l’été !
Tu me dis de m’imposer, de venir, alors que moi, je veux la prochaine  fois » comme avant » que ce soit toi qui veuilles de moi, me paye l’hôtel comme une pute, me fasse un cadeau, une fleur, un livre, un bijou, comme à  une reine .. M’apporte à boire !
Oui je veux ça maintenant, rien d’autre. Tu viens de me donner des gages et des forces pour t’attendre en silence. Plus vulgairement parlant, j’ai eu mon fix.

J’ose espérer aussi que tu aimeras encore m’attacher, abuser de moi impuissante et effrayée, m’emmener au donjon que tu as voulu garder malgré tout,  avec toi les choses changent vite, j’ai appris à le savoir …
Je te dis que j’ai eu tort, de vivre notre histoire en évoquant toujours sa fin, qu’il faudrait la vivre sans se poser ce genre de questions, je trouve que c’est très important, mais tu ne m’en crois pas capable, je le crains. Ou bien est ce trop tard ? je ne sais plus s’il faut parler au présent, au passé, au futur .. paumée.

On n’aura rien bu cette fois là, que de l’eau du robinet. Pas de Beaumes de Venise ni de Bordeaux  blanc moelleux ni de Chateauneuf du Pape, ni de champagne, nos nectars habituels (successifs, je précise !)

Tu ne m’auras pas offert de fleur volées dans un jardin, parce que les acheter chez le fleuriste ça ne le fait pas pour toi, ni de livre dédicacé « à une amie très chère », mais je porte la chaînette de cheville que tu m’avais offerte le jour de Halloween. Ne veux tu plus être mon maître ?
Mais la chaînette est bel et bien la, tu ne me la reprendras pas !
Je ne rapporterai même pas un bracelet fantaisie acheté sur le marché du Brusc, ni même  une pomme de pin, de ce périple hautement périlleux, ni une promesse de toi, juste des allusions  du style « à la prochaine ? » pas de grave « on se reverra » comme les autres fois. Et j’avais fini par te croire, le comble  ..

Je recommencerais bien  à avoir peur. A peine es tu monté dans ta voiture noire.

Mais le bonheur est le plus fort, je ressors dans la ville baignée de la douce lumière du soir, heureuse de pouvoir sacrifier à la récente tradition de mes passages : déguster des moules à la terrasse d’une brasserie sur le port, avec de la bière et des frites, pour qu’un péché s’ajoute à l’autre, et comme c’est joyeux !
Je me sens radieuse, après ces semaines de larmes, je chasse les ombres car il en subsiste je ne me le cache pas, mais c’est l’espoir qui l’emporte, je me sens envahie d’un bien être animal, advienne que pourra, et  c’est le sentiment de victoire qui domine.

Sentiment du devoir accompli, d’avoir fait le maximum, que la récompense vienne ou pas ne sera pas de mon fait, je te laisserai respirer, je deviendrai fataliste, aveugle, te laisserai vivre ta vie, je vivrai la mienne, je ne me poserai plus de questions sur le passé ni sur l’avenir.

100 1414                       gaou4.6

 

 

 

Par Violette-et-Lui - Publié dans : Récit
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