Séance que dis je ? le mot « visite » serait plus approprié pour cette 24ème "saison".
J’ai du mal avec ce chapitre. Autant pour le précédent, celui qui explique celui là, les grains de sable, les mots me sont venus facilement, autant ils me manquent à l’instant de pénétrer ensemble, pour la dernière fois sans doute, dans ce vaste lieu qui était un peu notre maison.
J’ai apporté mon sac de sport, vide, pour y emmener les objets qu’il doit m’offrir, dont il veut se défaire. C’est devenu encombrant, comme moi.
On en a déjà fait la liste : les fers médiévaux, ce qu’il appelait plaisamment « le costume trois pièce » (menottes de poignets et de chevilles, collier de cuir, le tout relié par des chaines et des mousquetons, fermés par des cadenas). J’ai décliné le carcan de bronze, et le hook n’est pas à lui. La cage, qu’il avait construit barreau après barreau, est évidemment intransportable.
Ces deux photos datent d'avant bien sur, quand on jouait avec!
Après beaucoup d’hésitation, j’ai tout de même enfilé des bas résille autofixants, et j’ai emmené ma minijupe en vinyle dans le sac de sport. Au cas où. Mais j’ai peu d’espoir cette fois, plus trop la foi.
Il est parfaitement à l’heure, a du mal à se garer. Sept semaines depuis qu’on s’est aperçus au café. L’effet Bolivie ce sera comment ?
On entre dans la cuisine de plain pied, pour moi, le souvenir rayonnant du matin d’août est encore bien présent, il y avait des fourmis, j’avais fait du café, et je vais en refaire. Cette fois je n’ai pas pensé à ses sucrettes, trop soucieuse.
J’étais si loin ce matin là de concevoir cette horrible chose : je faisais l’amour pour la dernière fois de ma vie ! au contraire, l’avenir se rouvrait, après la haine, puis les retours en grâce ambigus ..
Il monte directement dans la pièce du haut, pendant que je prépare le café .
J’entends cette fois la musique à l’étage, il n’a pas oublié de la mettre en route, pour ne pas reproduire le mois d’aout .. Si grande était notre faim ce matin la qu’il n’y avait pas pensé.
Il est encore très tôt, on a toute l’après midi devant nous. Peut être..
Difficile d’évoquer un échec là où jamais il ne s’était produit.
Pendant que je faisais le café il servait au bar du salon, le fond de la bouteille de Muscat, deux touts petits verres éventés , et il n’en ouvrira pas une autre pour la prochaine fois. Eloquent.
Il ne me fuit pas pourtant, me demande de m’asseoir à coté de lui, sur le canapé bleu, mais ne tente aucun rapprochement. Et moi, mimétique, je fais de même, je n’ose pas, pas tout de suite. On a encore du temps.
Il ne fuit pas le sujet, cette fois il ne parlera pas voyages ou culture, mais je suis bien incapable de restituer ces paroles lénifiantes que je ne veux pas entendre. Se rend il compte qu’il les voit bienveillantes et qu’elles sont une torture pour moi ? Ici on baisait comme des fous il n’y a pas trois mois et maintenant .. cette glaciation, cette assurance dans le refus ..
Il me dit qu’il n’est plus du tout intéressé par le sexe, il me dit que la pièce rouge et noire et tout ce qu’elle contient, lui est devenue complètement indifférente, et qu’il la quittera sans regret, alors qu’elle est en partie sa création.
Je me souviens de l’énergie qu’ils y mettaient, avec Roland, des photos du chantier qu’il m’envoyait, dans les six premiers mois de notre relation. Comme il avait hâte de me le faire découvrir ! J’essaie de réanimer le souvenir de notre séance initiatique, tellement intense, et de quelques autres, dont toutes portent ici des titres de chapitres tellement poétiques .. les lauriers rose, les bas rouges, les mimosas, les cuissardes à la hussarde, etc …
Mais tout cela lui semble étranger.
Il s’en souvient, mais c’était une autre vie. Rien ne saura éveiller son imagination pourtant si fertile dans les périodes fastes !
Pourtant, c’est de moi qu’est venu l’idée de lui faire abandonner ce donjon, déjà étonnée qu’il ne l’aie pas fait plus tôt.
C’était après l’incident des photos, tellement celui ci m’avait peinée et choquée. Dans un premier temps, il avait refusé l’idée avec énergie, peut être n’osait il pas le dire à Roland, le tenancier abusif ? ou bien rêvait il encore d’un espace de liberté ?
Pendant le trek purificateur en Bolivie, l’idée avait du faire son chemin et j’en étais finalement la victime.
Comme souvent, j’ai bousillé mon affaire : imprudence, manque de psychologie, et cette manie de vouloir tout contrôler et de mener mon dépit jusqu’au bout, espérant un retournement salutaire et spectaculaire.
Bref, nous sommes toujours là, avec nos verres sans saveur et notre café froid - je vois l’heure tourner et rien n’avance, je descends réchauffer les cafés au micro ondes, et les remonte sur une assiette en guise de plateau.
J’ai du mal à continuer ... tout cela est tellement incongru ....
je regardais cette table garnie de coussins et de menottes, le trapèze volant au dessus, la table des supplices était devenue celle des plaisirs .. et la croix où je me suis évanouie un soir d’été, et les anneaux sur le mur, les lampes rouges et bleues, les fausses caméras (je ne les ai jamais vues fonctionner, dommage!), la moquette rouge qui a bien besoin d’être changée, et ce lit style chalet (je m’en étais assez moquée ! ) que Roland nous a préparé, le drap rose foncé, la serviette aux dauphins, et la collections de godes sur une commode, et la grande chaîne transversale où sont suspendus pinces, hooks et autres instruments inconnus qu’on n’a jamais essayés pour la plupart.
J’ai physiquement envie de lui, qu’il revienne comme promis entre mes cuisses dites « caudines », dites irrésistibles encore plus que mes larmes, qu’il me remplisse, me rassure, je veux ces heures de bonheur animal, ou divin, ou les deux, je ne sais plus mais cette puissante magie, toute simple, évidente, toi en moi. Encore et encore.
J’échange deux heures d’amour contre deux mois de sérénité ! Est ce trop demander ?
Je pose mes cuisses sur ses jambes, aucune réaction positive ! il les caresse distraitement, le regard perdu.
On ne désire que ce qui se refuse, il me fait comprendre ça en me rappelant un lointain souvenir, du temps où je me refusais, oui, avant de le connaître. Et c’est pour ça, uniquement qu’il me voulait. Et c’est pour ça que moi, je le veux si fort, il me fait défaut à son tour, et j’ai la rage !
Il va fouiller dans sa commode, en sort lentement les fers qu’il avait fait faire sur mesure par un artisan amateur lui aussi de jeux gothiques. Ils sont si beaux que je n’arrive pas à croire qu’il va me les donner en la circonstance .. mais c’est simple, il ne veut pas les laisser à Roland (leur relation s’est nettement refroidie depuis deux ans) ni bien sur les emmener chez lui.
Je pense que le faire aurait pu pourtant réanimer « son couple » sacro saint ..
Comme c’est S qui les a portés en dernier, je demande qu’il me les passe. Il le fait de bonne grâce mais sans la moindre émotion. Moi, je commence à pleurer, mais il y a longtemps qu’il n’est plus ému par mes larmes. Il ne me regarde pas. Sur la dernière photo qu’il a bien voulu prendre, j’ai perdu ma grâce d’antan, l’aura de son désir, c’est évident.
J’ai l’air d’une victime. Le mois dernier on avait décidé d’une belle séance photo - déjà il ne voulait plus faire l'amour - pour solder le donjon, le résultat est pitoyable, et je n’ai même pas osé le prendre, lui, même si j’en avais reconquis le droit .. pour mon malheur .. (encore ces maudites photos !)
Alors je me libère et il commence à m’expliquer le fonctionnement, identifier les cadenas, les clés, tout ça. C’est compliqué, je n’écoute que sa voix mais je n’ai de toute façons pas l’intention de les porter toute seule chez moi !
Même le plug, vedette de nos vidéos que je lui demande en souvenir n’éveille plus rien en lui depuis plus d’un an .. j’ essaie en vain de lui faire avouer la vérité du "pourquoi plus depuis un an et deux mois" que je suppose, à tort ou à raison ? .. cette question sans réponse va me hanter longtemps ..
J’essaie encore l’humour, le défi, je lui promets que s’il fait un effort ce soir, je le laisserai tranquille à tout jamais, il rigole, ne me croit pas ! ne bouge pas, ne veut pas. Inaccessible.
Puis il geint et se plaint : "je suis un invalide, ma courbe est descendante, tu as retardé longtemps l’échéance, tu as eu cinq ans, tu te rends compte, mais maintenant c’est fini, tu es devenue grise toi aussi, comme les autres, après les autres, la dernière," et il a ce mot terrible, morbide, en me regardant droit dans les yeux : « je suis mort en bas ».
L’expression me fait froid dans le dos, tu es toujours aussi doué pour les formules choc, mais cette dans le mauvais sens … Inutile d’insister. Je préférais : « Tu occupes ma bite et mes pensées » ou bien « écarter les cuisses te semblera bientôt un geste naturel .. *» et c’est pour ça que je faisais, selon lui, mes 450 km !.. et je ne m'offusquais pas ..
A suivre …
* Elle
me plait bien. Ca devient une habitude : on s’est à peine échangé trois mots que déjà nos corps se cherchent.. Je l’emmène , Je l’emmène
, la prend par la taille, lui indique la direction du port.. Je l’entraîne à ma suite dans le parking souterrain.
Première satisfaction : la femelle a fait ses 450 km rien que pour ouvrir ses cuisses.
La dernière fois que je lui ai fait cette réflexion, elle a eu un haut-le-corps, un sursaut d’orgueil outragé.. mais n’est-ce pas l’implacable vérité ? deuxième satisfaction : elle a l’air plutôt
détendue, rien à voir avec les séances précédentes, la perspective de baise prochaine devient source de réjouissance et non plus d’inquiétude.
Ouvrir tes cuisses redeviendra un geste naturel, je te le promets..
("les lauriers roses")
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